Promenade mélancolique...

"Que fais je ici?"

Voilà la question que je me posais en traversant cet endroit désolé depuis une éternité. Mes yeux fushias allait de ci et de là, cherchant un point de repère dans un océan de verdure sauvage qui me semblait définitivement inconnu, alors que je me perdais d'avantage parmi les mauvaises herbes ...

"Suis je déjà venu auparavant?"

Je parlais haut et fort, comme pour me rassurer dans ma solitude et réveiller plus facilement ma mémoire profondément endormie. Ma fée n'était plus, j'étais belle et bien seule. Nerveusement, je pris l'une de mes longues mèches émeraudes entre mes fins doigts, de plus en plus inquiète je tentais de penser à des choses agréables mais c'était en vain... Comment allais je me sortir d'ici? Pensais je avant d'émettre soudainement un petit son et fixer ma jambe entourée de ronces noires... Pas de mûre ou bien de rose, c'était bien là une mauvaise plante qui n'apportera rien de bon en ces lieux. Viles et patientes, elles avaient laissé passer leur épines à travers le fin tissus de ma jupe noir. Je gémis de désespoir, il fallait que je m'en aille...vite...vite... Je me demande aujourd'hui pourquoi j'étais si craintive... De quoi avais je véritablement peur? Ce n'était que des plantes et le néant... Ou bien était ce le sentiment de solitude dans ces lieux autrefois si agréables? Pourquoi sont ils devenus ce qu'ils sont aujourd'hui?

Mais dans le moment présent, je ne savais pas encore où j'étais, et je me débattais tant bien que mal pour m'extirper. Dans cette bataille que je vois aujourd'hui comme ridicule et puérile, je vis mon pendentif se décrocher pour la première fois dans ma courte vie d'elfe fragile et sensible. Je revois encore parfaitement mes mains pleines de sang, ayant essayé, malgré mon cœur soulagé, de récupérer le bijou de l'homme que j'avais aimé. Oh... Comme j'ai été blessé par cette perte... Cet objet qui devait me protéger...Je pensais en avoir tellement besoin ici... J'avais tort.

Il y a des choses que l'on oublie et que l'on regrette. Il y a des choses que l'on n'oublie pas et qui nous pourrisse la vie. J'ai oublié ces lieux, et j'ai refusé d'oublier ce pendentif. La vie est étrange ne trouvez vous pas? Est ce parce que je suis une simple petite elfe ridicule? Ou cela arrive-t-il aussi aux Hommes? Je ne sais pas...

J'ai du accepter la perte, arrêter de faire souffrir mes mains et m'enfuir définitivement. Pour aller où? Je ne savais pas vraiment, mais mon cœur, lui, le savait. Lui n'avait pas oublié ce lieu magique, ce lieu qui m'avait apporté tant et que j'avais abandonné, avouons le, et quitté. Lui seul pouvait m'apporter du réconfort. Alors je me mis à courir en écoutant ce battement régulier et rapide en mon être. Il y a bien longtemps que je n'avais mis de robe, mais celle ci était heureusement ouverte le long de ma jambe gauche, révélant mon vieux tatouage dont peu connaissait l'existence, et me permettant de grandes enjambés de jeune fille apeurée. Je courrais, je courrais, je courrais. Moi qui n'aimais pas le sport, par moment, lorsque son être nous le dicte, nous trouvons l'énergie nécessaire à un joli sprint.

Puis mon cœur se calma doucement, et mes pas en firent autant pour rester en accord avec le rythme dicté. Je retrouvais mes sens, j'en profiter alors pour regarder le monde qui m'entourait, désormais couvert exclusivement de fleurs sauvages. Je remarquais en m'arrêtant des bancs recouverts de mousse verte et humide, au centre d'une clairière une vieille fontaine qui continuait sa tache malgré la fatigue et les jeux cruels du lière autour de ses statues. Je m'approchais, je n'avais pas encore compris, et je scrutais les regards de quatre personnages sculptés dans le bronze noirci et caché par la flore. Qui étaient ils?

A quoi bon avoir des yeux d'elfe si nous ne voyons pas? On dit d'eux qu'ils sont perçants et observateurs. Moi, je trouve avoir mis trop de temps à comprendre...

Il y avait d'abord un jeune homme, assis qui regardait l'horizon une étrange expression sur son visage... Au dessus de lui, un personnage pointé quelque chose du doigt, s'appuyant sur l'épaule de son camarade qui ne bronchait pas. Était ce une fille ou un garçon? Je ne savais pas...Mais en regardant son visage, en passant à travers cette mousse gênante, j'eu un frisson, mais cela ne suffisait toujours pas... Je regardais ensuite sur le côté droit, c'était de nouveau un garçon, plus jeune semblait il, en tout cas plus petit. Debout, il atteignait avec peine la taille que l'autre personnage abaissé sur l'épaule de son ami. Une main sur ses yeux, il n'accompagnait pas le regard de ses amis, sans doute était il gêné du comportement de l'androgyne enfantine?

Il ne restait plus que le dernier personnage, tout à gauche. Assis, il regardait les deux personnages principaux en souriant. De long cheveux descendaient tranquilles, le long de son corps, par dessus une robe légère. Je restais de marbre, telle une cinquième statue contemplant sa sœur de bronze. La mousse avait rendu mes cheveux verts, et accentué le sourire que je portais à mes amis...mes amis oubliés.

Et je me souvins...

Une légère brise se mit alors à souffler, se faufilant entre les mèches délicates de l'elfe. Enfin quelqu'un qui avait appartenu autrefois à ce lieu désormais désolé était revenu, cela faisait tant de temps que cette plaine attendait cela ... La visite de ceux qui lui avaient permis de vivre, de rire, de pleurer, de passer des moments magiques.
Alors, heureuse, la plaine avait fait se lever une brise douce, une brise qui lui permettait à sa manière de souhaiter la bienvenue à une amie dont les pas l'avaient ramenée jusqu'ici.

La brise, d'abord caressante, s'intensifia pour se faire insistante, semblant inviter l'elfe à se rapprocher de la vieille fontaine. Dans le même moment, les souvenirs de la belle personne éclorent, et des larmes commencèrent à perler au coin de ses yeux fuchsias. Elle céda sans peine à la volonté de la brise et se rapprocha de cette statue afin d'en ôter la végétation qui l'avait envahie.
Au fur et à mesure que ses doigts arrachaient à la pierre les lianes végétales, l'elfe reconnaissait les traits des visages qu'elle libérait. Ses amis lui faisaient face, figés dans leur physique adolescent, ignorant le temps qui s'était écoulé depuis la période heureuse, une expression naïve et pure marquant à jamais leurs traits.
Leurs expressions d'autrefois.
Leurs expressions qu'ils arboraient lorsque rien n'avait été détruit.
Désormais, cela appartenait au passé

En extirpant les plantes grimpantes, l'elfe fini par découvrir une espèce de tiroir taillé à même le roc et camouflé par une poche du pantalon du garçon assis. Intriguée, la jeune fille ouvrit -à grand peine, les plantes s'étant collées aux parois - ce tiroir pour y découvrir ... Une feuille de papier, soigneusement pliée en quatre, accompagnée par une étiquette de yaourt à la pêche.
Avec beaucoup de précautions, l'elfe attrapa le papier et l'ouvrit. Le temps l'avait jauni, mais on pouvait toujours lire sans soucis son contenu :

"Un jour nous nous sommes rencontrés, c'est pour que jamais on ne s'oublie, et pour que toujours on s'aime.
Moi en tout cas, je ne vous oublierai jamais, soyez en assurés.
Et pour toujours je vous aimerai.
Je prie pour que les liens de RK soient plus forts que tout et pour qu'on ne soit jamais séparés, car si ça devait être le cas, la vie serait bien fade après tout ce que vous m'aurez fait vivre et découvrir ...

Vive RK!

Rin"

Alors la brise s'arrêta, comme pour faire avec l'elfe le deuil de ces jours perdus.